Jésus pose son regard sur nous

Comme il sera difficile à ceux qui sont possédés par des richesses d’entrer dans le royaume de Dieu ! Mettre le verbe à la voix passive nous invite à nous questionner. Non pas seulement sur la liste des biens que nous possédons, mais à nous demander si notre soif de posséder n’est pas un risque pour l’acquisition de la vraie sagesse – « j’ai prié… j’ai supplié, et l’esprit de la Sagesse est venu en moi » – ou de la vraie richesse – « la parole de Dieu, énergique et plus coupante qu’une épée à deux tranchants ». 

Dans la pièce Jedermann, jouée chaque année au Festival de Salzbourg depuis sa création, il y a un dialogue entre l’homme riche et Mammon :

L’homme : « Tu es ma propriété, ma chose, tu es à moi. » 

Et Mammon, symbolisant ses biens et richesses, lui répond : « Attention, ne t’abuse plus !… Je suis un géant, tu es un nain. Toi, le nain, tu es le serviteur. Si tu as pensé qu’il en était autrement, tu t’es fourvoyé. Tromperie, illusion ! » 

L’homme : « Tu étais entièrement à mes ordres. »

Mammon : «  Et moi, je gouvernais en ton âme.  »

L’homme : « Tu étais à mon service, chez moi et dans le monde. » 

Mammon : « Oui, je permettais parfois à la laisse de s’allonger. » 

L’homme : « Tu étais mon esclave. » 

Mammon : « Non, toi ma gentille marionnette. »

Le regard de Jésus, ce regard qui se pose avec amour et émerveillement sur chacune et chacun de nous, nous révèle que nous ne pouvons pas nous satisfaire d’être des esclaves ou des marionnettes. Nous sommes partenaires d’une alliance en vue d’une vie nouvelle. Nous sommes artisans d’un monde nouveau qui ne peut faire l’économie d’une vraie conversion des cœurs. Nous sommes appelés à la gloire et à entrer dans le royaume de Dieu. Avec des paroles fortes, saint Basile le Grand nous redit notre responsabilité : « À l’affamé appartient le pain que tu gardes. À l’homme nu, le manteau que recèlent tes coffres. Au va-nu-pieds, la chaussure qui pourrit chez toi. Au miséreux, l’argent que tu tiens enfoui. »

Nos détachements, nos gestes de partage, nos actes de charité, nos engagements à cause de Jésus et de l’Évangile sont autant de signes visibles que nous travaillons dans ce monde ci pour plus de justice et de fraternité et pour que, dans le monde à venir, nous soyons accueillis en la vie éternelle.

abbé Philippe Blanc