Chaparder un miracle ? 

Par Jacques Doutaz

L’évangile de ce jour nous le rappelle : notre rapport aux miracles est ambigu.

Il y a ceux qui réduisent Jésus à une baguette magique : un seul contact physique suffira. (Mc 5,28)

Il y a ceux qui sous-estiment Jésus : l’enfant est morte, à quoi bon le déranger encore (Mc 5,35) ?

Dans un cas comme dans l’autre, la relation à Jésus est à purifier. Jésus veut moins la guérison physique que la rencontre. La femme hémorroïsse en fait l’expérience. Son contact avec le Messie la sauve bien au-delà de ce qu’elle recherchait. À la sauvette, elle voulait toucher son vêtement ? De l’avoir fait, elle est touchée au cœur. Toucher le vêtement – la « surface » de Jésus – la guérit en surface, dans son corps ; se laisser toucher par le cœur de Jésus qui la cherche dans la foule (Mc 5,32) la guérit au plus profond d’elle-même, dans son cœur.

Avec la fille défunte de Jaïre, Jésus aussi cherche le contact physique : il lui saisit la main (Mc 5,41). De ce contact rejaillit la vie éteinte. Mais peut-on sérieusement croire que, là encore, il n’ait touché que l’enveloppe charnelle ? Et que la jeune fille ? À coup sûr, ceux qui ont assisté à la scène sont durablement touchés, tout comme ceux qui, avant la scène, craignaient de déranger inutilement le Maître. Le contact physique avec un tiers toucherait-il donc plus que le tiers en question ?

N’en doutons pas : quoi que nous demandions à Jésus, il nous exauce au centuple. Pas toujours en nous donnant ce que nous demandions. Mais toujours, en nous donnant plus. Soyons donc prudents lorsque nous vient l’idée, à l’instar de la femme hémorroïsse, de chaparder un miracle : nos poches risquent fort d’être trop petites pour emporter le fruit de notre larcin…

Mais si tout miracle est un débordement d’amour divin, n’est-il pas dans la nature même de tout miracle de déborder aussi des mains de celui qui le reçoit ?

Le vrai miracle est là : faire de tout miraculé un dispensateur plutôt qu’un récepteur.

Il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir (Ac 20,35).